Un musée sans visiteurs
Le Mama victime de son image
Faute de s'approcher du grand public, le musée d'art moderne d'Alger (Mama) baigne dans la torpeur, en dehors des cérémonies d'inauguration des différentes activités qui lui confèrent des airs d'aristocratie.
L'accès au bâtiment est gratuit, mais la direction ne fait pas d'effort de vulgarisation, ce qui fait que les milliers de passants de la rue Larbi Ben M'hidi demeurent dans l'ignorance et évitent de s'y aventurer. Le Mama sacrifie ainsi un nombre très important de visiteurs au prix d'une plaque de signalisation indiquant «Entrée gratuite». Le musée d'art moderne d'Alger a l'avantage de se situer dans une des artères les plus fréquentées du centre-ville de la capitale, à savoir la rue Larbi Ben M'hidi. L'emplacement est pour le moins stratégique : des centaines de milliers de passants y transitent quotidiennement, de quoi remplir les allées du Mama dont le bâtiment, avec sa façade vitrée, est impossible à ne pas remarquer. Parmi les passants, il y a des habitants du centre-ville, mais une bonne partie est constituée de passagers, nationaux et étrangers.
C'est une belle cible en perspective qui ne demande qu'à être informée sur les différents aspects de la richesse du patrimoine culturel du pays. Par ricochet, à travers cette «expérience-pilote» du Mama, les musées, nationaux ou régionaux, auront à gagner en intérêt et en estime aux yeux d'une opinion largement illettrée sur ce chapitre des loisirs urbains et de la culture en général.
Or, les couloirs du Mama demeurent à longueur de journée curieusement silencieux. Les seules fois où l'on enregistre véritablement du monde, c'est au moment de l'inauguration d'une activité quelconque (exposition de tableaux…) avec ses indispensables convives en tenue de cérémonie à faire pâlir de jalousie une mariée. Comme la nature a horreur du vide, le silence se fait aussitôt le coup d'envoi donné.
Le tout confie à ces lieux, du point de vue du grand public, des allures d'aristocratie, réservées à une seule élite recrutée parmi les artistes et plus généralement les lettrés. Leurs voitures, de grosses cylindrées, donnent la mesure de leur importance surtout sur le plan social. En retour, la fréquentation du musée, en dehors des cérémonies d'ouverture, prend ainsi plusieurs coups à la fois. Avec une telle étiquette, fausse à l'évidence, le grand public hésite à s'y aventurer.
Et ce n'est pas faute de le vouloir. Que remarque-t-on en effet ? D'habitude, surtout durant les vacances, des familles entières passent devant l'entrée principale, jettent un coup d'œil vers l'intérieur puis hésitent sur la posture à prendre. «C'est payant ?», s'interrogent-ils entre eux sans aller jusqu'à chercher la réponse chez les agents de sécurité qui, il faut le dire, ne s'empressent pas de les en assurer.
Ceux qui ont déjà mis les pieds dans ce musée le savent : depuis son inauguration, l'entrée au Mama est libre et gratuite. Seulement, sur place, la direction des lieux ne fait aucun effort de vulgarisation de cette information pourtant utile et pratique.
Les gens sont souvent gênés de se retrouver à l'entrée alors qu'une simple plaque de signalisation indiquant un «accès gratuit» aurait fait l'affaire et épargné aux curieux de rebrousser chemin pour ne pas avoir à être intimidés, reconduits pour une raison ou une autre. Le Mama n'est pas le seul musée à refuser de dévoiler ses charmes au grand public.
Les activités qu'abrite d'ordinaire le Théâtre national (TNA), au square port Saïd, sont victimes du même état d'esprit. Les visiteurs sont toujours les mêmes, des ambassadeurs, des hauts responsables, des artistes connus de tous et leurs familles qui narguent le voisinage et les passants par leurs voitures rutilantes garées à l'entrée avec chauffeur.
Il ne viendra à l'esprit d'aucun passant de s'approcher de ce beau monde pour s'informer de l'essentiel, à savoir : le spectacle à l'ordre du jour est-il gratuit ou payant ? Au TNA, où l'on programme surtout des pièces de théâtre, l'accès revient à 50 Da par personne ; l'entrée étant libre, gratuite, à l'occasion des différents festivals qui s'y déroulent. Sur les affiches, c'est rare de tomber sur cette information.
D. Ch.
|