Point Net On prend le métro ?
Le métro. Ah, le métro, il marche ! De la Grande-Poste jusqu'à Bachdjarah. Vous vous rendez compte ? Il y a trente ans, quand le «projet» était lancé, Bachdjarah n'existait pas. Juste un lieu dit, un peu surgi du néant grâce à une cité-dortoir. Puis, Bachdjarah s'est fait connaître par un… court de tennis.
Quelqu'un, quelque part a dû avoir une de ces idées un peu saugrenue mais tout de même généreuse dans l'intention, de «démontrer» que le tennis, sport de nantis par excellence, pouvait se pratiquer dans la proximité des pauvres. Seulement dans la proximité, parce que la balle jaune a continué à être l'apanage des enfants de papa.
A Bachdjarah, un peu plus qu'ailleurs dans le monde. Puis le tennis a périclité, si tant est qu'il ait fleuri un jour. Les cours sont tombés dans l'oubli. Trois décennies plus tard, la «nature» a repris ses droits.
Les bidonvilles ont prospéré, les constructions illicites sont devenues licites, la cité s'est lézardée et la population a fait boum.
Depuis quelques années, maintenant, c'est le marché de Bachdjarah qui fait la célébrité du coin. Le marché du pauvre, paraît-il, mais tout le monde est pauvre en dehors des riches.
Et ça fait beaucoup de monde pour un marché. Avant le métro, les pauvres qui n'habitent à Bachdjarah ne peuvent pas faire le marché à Bachdjarah.
C'est vrai qu'il y a les nouveaux pauvres qui ont encore leur voiture, mais ils ne sont pas nombreux. Ceux qui ont encore leur voiture, pas les nouveaux pauvres. Au marché de Bachdjarah, il paraît qu'on vend les fruits et les légumes à des prix imbattables. Les mauvaises langues disent que les marchands trichent sur le poids et qu'ils ont des pesettes traficotées, mais les mauvaises langues sont… mauvaises.
D'ailleurs, les mauvaises langues n'arrêtent pas de dire depuis trente ans qu'il n'y aura jamais de métro à Alger, encore moins à Bachdjarah. Voilà, le métro roule depuis hier matin et il commence à Bachdjarah. Au fait, il ne commence pas à la Grande-Poste ? Mais il n'y a pas de monde à la Grande-Poste.
Il paraît qu'il n'y a que ceux qui n'ont pas où aller qui rodent là-bas. Ceux qui sont fatigués de marcher et n'ont pas de qui s'attabler dans un café, ceux qui ne connaissent d'Alger que cet endroit, ceux qui y donnent leur rendez-vous par commodité géographique et ceux qui vont aux Chèques postaux.
Y-a-il des pauvres à la Grande-Poste ? On ne sait pas, il y a pas de monde. On le saura dans quelques jours, quand on pourra dire, sans que ça ne fasse bizarre : «On prend le métro ?»
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