Point Net La colère des sages
Par sagesse, elles ont «reporté» d’une semaine leur grève, prévue pour hier. Etre sage, ce n'est ni étonnant ni nouveau, pour des… sages-femmes. Oui, le jeu de mots est facile, mais pas leur quotidien. Juste avant l'été dernier, elles comptaient se faire entendre. Comme tout le monde, mais surtout comme elles l'entendaient.
La tutelle étant au courant que les sages-femmes sont des femmes sages, il avait joué sur cette corde-là pour priver la rue d'un spectacle qui aurait pu être haut en couleur comme il nous arrive d'en voir à travers le monde. Parce que des sages-femmes en colère, ça fait déjà sourire. Et quand elles débraient ça fait spectacle. Les mots d'ordre sont souvent d'une grand finesse lexicologique et accessoires touchants jusqu'aux larmes, puisés dans leurs gestes quotidiens mais pas banals. Les qui donnent la vie y côtoient les difficultés leur… vie à elles, engendrées par l'indigence de ce qu'elles perçoivent comme récompenses à l'effort et l'attention dans l'accomplissement de leur travail. Les nôtres n'ont donc pas débrayé à l'orée de l'été, parce qu'on leur a fait de… sages promesses. Elles ont alors fait accoucher des femmes et bichonné des bébés parfois dans des conditions telles que seul leur dévouement évite du pire. Il paraît même qu'il y a procès-verbal où les promesses sont consignées et qui aurait disparu, quand l'automne fut venu. Elles n'ont rien vu venir l'été, elles n'ont rien perçu en automne, alors elles ont pensé à la dureté de l'hiver. La semaine passée, les sages-femmes se sont posé une vraie question : «Et si nous n'étions pas si sages que ça ?» Quand elles se sont rendu compte qu'après tout, elles pouvaient parfaitement désactiver leur dent de sagesse, le temps d'une grosse colère qui fasse entendre leur voix en disant autre chose que «pousse…» . Elles ont décidé de passer à l'action. La grève. Elle devait intervenir avant-hier et ça promettait. Mais un débrayage de sages-femmes, ce n'est toujours pas sage, à l'orée de l'été comme au milieu des feuilles mortes. Chez la tutelle, particulièrement, on n'apprécie pas vraiment les spectacles hauts en couleur. On a alors «demandé» une semaine pour «étudier les revendications» en automne, qu'on est censé avoir satisfaites à la fin du printemps. Le choc des saisons. La tutelle a quand même… obtenu satisfaction, puisque la grève n'a pas eu lieu. Dans une semaine on aura à choisir entre l'inédit et le réchauffé. C'est-à-dire entre la colère des sages et les promesses rarement tenues. Allez, il n'y a pas que le spectacle dans la vie. Il y a aussi la vie.
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