DéCRYPTAGES
Ne déterre pas ma mine !
Trois mois à peser le pour et le contre, Barack Obama est fin prêt à dévoiler sa nouvelle stratégie pour l'Afghanistan. Quelques jours, tout au plus, et les Américains sauront si le gouvernement de Washington a fait les bons choix afin d'aider le «Roi» Karzaï à sortir prendre l'air sur le perron de son palais ultrasécurisé.
Reste à l'administration démocrate de définir le nombre de soldats supplémentaires à dépêcher en Afghanistan. En vue d'une victoire sans gloire ? Plus personne n'y croit, les troupes engagées vont tenter de jouer le «maintien», la stabilisation politico-sécuritaire en Irak en dit long sur ce genre de prolongations. Et si le 7 décembre prochain, à Bruxelles, les alliés US venaient à s'entendre sur un éventuel renforcement des forces de la coalition ?
Cela ne devrait pas changer grand-chose à la donne, à moins qu'Hillary Clinton vienne à changer d'avis à propos de la durée de la présence de l'Otan en Afghanistan. Au risque de «vietnamiser» une guerre par laquelle Obama, tout comme W. Bush, croit assurer la sécurité nationale des Etats-Unis.
Chose certaine, les appels du gouvernement de Kaboul tomberaient dans l'oreille sourde des chefs talibans qui, de leur côté, n'espèrent plus une victoire éclatante tant promise par Omar le borgne.
Ainsi, l'administration US et ses alliés sont «réduits» à revoir leurs ambitions «démocratisantes» à la baisse et à maintenir un certain équilibre militaro-politique pour ne pas perdre complètement la face. Après tout, cette guerre n'est pas celle d'Obama mais le legs de son prédécesseur dont le nom va être inévitablement cité lors des auditions de la commission parlementaire britannique devant laquelle Tony Blair devra bientôt «comparaître».
Complice ou victime du mensonge de l'Etat américain sur la présence d'armes non-conventionnelles dans l'Irak post-Saddam ? L'ami Bush se garderait de ne pas intervenir en sa faveur au moment d'être interrogé. Quant à Barack Obama, il n'est pas question de compter sur lui. Surtout pas ces jours-ci alors qu'il a les yeux rivés sur l'Inde où les contrats octroyés par le gouvernement de New Delhi aux entreprises américaines se chiffrent en dizaines de milliards de dollars.
Ce qui renseigne sur l'excellente entente qui prévaut actuellement dans les relations indo-américaines. Et ce n'est pas qu'en matière de commerce ou de nucléaire civil que les deux capitales partagent des points de vue communs. Tout comme l'Inde, le Pakistan, la Chine…, les Etats-Unis ont finalement décidé de suivre la politique de W. Bush concernant les mines antipersonnel. Pas question donc pour l'Amérique d'Obama de ratifier la convention internationale sur l'interdiction, la fabrication,
le stockage et le commerce de ces mines qui ont fait pas moins de 1200 morts l'an dernier. Peut-on prétendre «finir le boulot» en Afghanistan, prier pour la paix dans le monde et continuer de miner les terrains de ces engins, coupeurs de jambes ? Obama ne doit pas s'attendre à des critiques sur ce sujet de la part de ses ennemis républicains, eux-mêmes n'ont jamais été d'avis à mettre
un terme à cette industrie lucrative. De toute manière, les vieux routiers du camp républicain n'ont pas vraiment la tête à ça. Ils enquêtent sur des courriels piratés qui remettraient en cause l'ampleur du réchauffement climatique. Si l'effet de serre n'existe pas, les mines antipersonnel, elles, tuent chaque jour que Dieu fait.
Par Anis Djaad
|