Point net
Le rémouleur
Les rémouleurs sont de retour. On les croyait disparus, relégués au rang de sympathiques vieilleries dont les plus anciens gardent un souvenir ému et les moins jeunes une vague réminiscence de livres de lecture. Il paraît que c'était un vrai métier et ceux qui en vivaient étaient de vrais loups blancs dans le quartier où la localité où ils exerçaient.
Ils faisaient partie de ces hommes utiles qu'on peut croiser à n'importe quel coin de rue, sous un arbre-repère ou à l'écart d'une placette de village. Les rémouleurs. Ils attiraient des mômes en quête de curiosité, rassemblaient les vieux guidés par l'ennui et des clients embarrassés par le statut de client du jour. Le rémouleur. Un homme, un outillage un peu trop volumineux pour ce qu'il permet de faire et un savoir-faire sommaire mais distingué. On le saluait volontiers, mais on le sollicitait avec pudeur.
On n'a pas besoin d'un couteau tranchant tous les jours et on n'a pas besoin que tout le monde le sache le jour où on en a besoin. Mais il n'y a pas que les couteaux qui atterrissent chez les rémouleurs. Les coiffeurs y envoient régulièrement leurs paires de ciseaux et leurs bons vieux rasoirs pliants.
Ce sont ses clients réguliers et privilégiés. Ils paient quand ils veulent. Des amitiés se nouent. Quelques inimitiés aussi, c'est la vie. Il arrive que le coupeur de tifs fulmine contre le travail bâclé du rémouleur dans la foulée d'un raté sur une mèche rebelle. Il arrive aussi que son prestataire de services enrage sur le «travail à crédit». C'est la vie aussi.
Il y a d'autres paires de ciseaux. Celles envoyées par les jeunes et moins jeunes couturières à domicile. Les dentelles, c'est doux au toucher, mais ça use les ciseaux. Pour que le tissu soit bien coupé, il faut des lames acérées, c'est connu. Alors, il faut avoir des ciseaux bien aiguisés. Pour couper les pièces et ciseler les ornements. Mais tout ça n'est que vieilleries tenaces dans la tête de vieux grabataires et les pages jaunies des livres de lecture.
Rémouleur. C'était un vrai métier, il est devenu une opportunité de «âawachir» pour petits futés. C'est l'Aïd, tout le monde ou presque a besoin de couteaux tranchants et personnes ne s'en cache. Il n'y a plus besoin de cacher le couteau et la hache quand on a traîné le mouton pendant des semaines. Le rémouleur est là. Il n'a aucun savoir-faire, sa logistique est désespérément folklorique, son travail toujours bâclé, mais il est de retour. Une opportunité pour tout le monde. Couteaux à aiguiser… !
Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir
|