Basse-Casbah
L'interdiction du trabendo fait des mécontents
Les restaurateurs, les cafetiers et les pâtissiers entre autres peinent à se faire une clientèle suffisante à la rentabilité de leur activité depuis l'interdiction, lundi 30 mai, du trabendo dans les rues de la Basse-Casbah, un des principaux marchés parallèles de la capitale.
A la Basse-Casbah, ce que les trabendistes redoutaient a fini par arriver : depuis lundi 30 mai, la police ne les autorise plus à dresser leurs tables sur les artères principale de la ville comme les rues Ahmed Bouzrina, Bab Azzoun et Bab El Oued, la place des Martyrs et la place Ibn Badis (Ketchaoua).
En dehors de quelques ruelles intérieures telles Amar El Qama, toujours occupées par les vendeurs illégaux, les policiers veillent à ce que la voie publique demeure accessible aux piétons et aux automobilistes durant toute la journée. Les habitants du quartier sont en train de vivre une nouvelle fois l'expérience de septembre 2010 quand la police, à l'étonnement de tous, s'était mobilisée de jour comme de nuit dans les rues de la partie basse de la vieille ville de la capitale contre les vendeurs informels.
«C'est drôle. Quand je passe par là, je me dis que nous sommes un vendredi !», plaisante un habitué des lieux. Quand le commerce parallèle était à son apogée, surtout depuis janvier dernier, les seules fois où le quartier respirait à pleins poumons, c'était bien le vendredi. Depuis maintenant deux semaines, s'agissant du trabendo, c'est toujours le vendredi à la Basse-Casbah !
La circulation automobile est devenue fluide, les trottoirs libérés de toute occupation et les riverains sont soulagés des interminables klaxons et des cris des vendeurs. Le stationnement est autorisé uniquement d'un seul côté de la chaussée, là où il est permis de stationner. En fin de journée, le trabendo réapparaît sur la grande place des Martyrs, mais cela n'affecte pas pour autant la nouvelle ambiance.
Tout compte fait et à la faveur de cette interdiction par la force de la vente illégale, surtout des effets vestimentaires pour femmes et enfants, des milliers de personnes ont déserté la cité. Le marché parallèle de la Casbah était en effet la destination privilégiée de tout un monde de clientes venues de Bab El Oued, des hauteurs de la Casbah et d'Alger-Centre.
Ce marché était aussi un passage obligé pour les étrangers à la ville. Il l'est également pour les étudiantes. Cette marée humaine à la recherche des bonnes occasions constituait par là une aubaine inestimable pour les commerçants versant essentiellement dans la restauration.
Les restaurants, les fast-foods, les pizzérias, les cafétérias, les pâtissiers et les boulangeries y trouvaient leurs comptes. Ils ne cessaient de se multiplier. Sauf que, depuis le début du mois, ils sont pris de court. L'éradication de pans entiers de ce marché informel a considérablement affecté leurs activités et leurs revenus. «Nous étions obligés de réduire nos menus et mêmes les quantités.»
De bons clients pour les restaurateurs Avant, entre midi et treize heures, les clients faisaient la queue pour trouver une place dans le restaurant. Ce n'est plus le cas maintenant», déplore un restaurateur de la place des Martyrs. Pour lui, «les trabendistes se soignaient bien», ils commandaient ce qu'il y avait de meilleur dans le menu, contrairement aux autres clients. Ce restaurant est ouvert depuis trois ans. Au moment de son ouverture, la Basse-Casbah figurait en bonne place dans la liste noire des endroits où le commerce informel pullule.
Le trabendo, pour ce restaurateur comme pour beaucoup de professionnels dans cette branche d'activité, se développait comme un cancer impossible à guérir sans amputation. Aussi, la restauration et la restauration rapide s'étaient créées et prospéraient sur cette base.
Comme les trabendistes ne sont plus là, plusieurs commerces risquent tout simplement de baisser le rideau. Dire devant eux que les trabendistes font une concurrence déloyale aux commerçants légaux, qu'ils grèvent le budget de l'Etat en ne payant pas les impôts, qu'ils arnaquent quelquefois les clients en leur fourguant des produits douteux ou périmés, c'est tout simplement parler une langue étrangère.
D. Ch.
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