Point Net Il ne se passe rien, donc il se passe quelque chose
Il n'y a pas plus désespérant qu'un pays où il ne se passe rien. Pourtant, nous sommes censés être bousculés par les événements. Tout est là et nous sommes toujours en train d'attendre qu'il… se passe quelque chose. S'agissant encore de calendrier, on ne pouvait pas mieux espérer.
Ramadhan étant fondu dans l'été, l'Aïd étant son ultime et court prolongement, l'attention des algériens aurait pu être reconquise dans la foulée d'une rentrée à peu près «correcte», pour se consacrer aux «choses sérieuses». Des lois importantes pour l'avenir immédiat du pays sont discutées en catimini puis adoptées dans la plus grande discrétion, d'autres sont en «débat» et d'autres encore en instance de présentation.
Il n'y a pas plus désespérant que l'absence d'enthousiasme. Le pays aurait pu s'enfiévrer, il est resté gelé. On s'est dit à un moment que l'automne, dans ses chaleurs étirées comme dans ses froids impromptus, était capable des bousculades les plus spectaculaires.
Maintenant que la folie météorologique ne suffit manifestement pas à faire bouger les choses, qu'est-ce qui peut bien se passer qui puisse mériter notre patience, ou plutôt notre impatience ? Par résignation ou par optimisme incurable, nous nous tournons déjà vers une vieille certitude.
Elle ne s'est jamais confirmée, mais elle n'a jamais été démentie non plus : quand il ne se passe rien, il se passe forcément quelque chose d'important. Il se peut même qu'il se passe beaucoup de choses. Le silence est toujours porteur de perspectives.
C'est beaucoup plus excitant quand on en parle, tout de même. Mais personne n'en parle. Les députés de la «majorité» auraient pu nous donner quelque chose à nous mettre sous la dent. Ils ne sont d'accord sur rien mais il ne faut surtout pas le dire, des fois que ça nous donnerait des idées : croire que nous sommes en démocratie par exemple. Les partis de l'alliance présidentielle se tirent dans les pattes.
Ce n'est pas difficile de deviner l'enjeu, mais allez savoir avec quels projets ils comptent le gagner, quelles idées, quels programmes et quels discours ils sont en train de confronter en nous le cachant. Il n'y a pas de médicaments et de radiothérapie pour les cancéreux et le ministre de la santé ne parle que pour nous dire qu'il y a un complot ourdi contre sa personne.
Un député indépendant propose un amendement. On vote à… main levée. Le président de l'APN décide que l'amendement est rejeté alors que la tendance n'est pas du tout évidente. Le député proteste, on re-vote. M.Ziari (re) décide.
C'est finalement… décidé et on n'en saura rien en dehors de ce que le député Ali Brahimi a livré à la presse. Le MV Blida n'en a pas fini d'arriver dans un port kenyan alors qu'il transporte des otages libérés physiquement usés. S'il est arrivé enfin hier, on ne saura jamais pourquoi il n'est pas arrivé les autres fois. Ce n'est pas si ennuyeux, un pays où il ne se passe rien. C'est même amusant, quand on sait que quand il ne se passe rien, il se passe forcément quelque chose.
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